Le Pays

Une randonnée fiction autour du Pays de Bécherel

Dans le pays de Bécherel, des foules battent la campagne à chaque saison, par tout temps et par tous chemins, glanant dans les haies : feuilles, fleurs, fruits, bourgeons, rameaux, écorces. Au retour de leur balade procession, de somptueux bouquets d’herbes sauvages sont séchées dans de grandes claies en bois, des chaudrons dégoulinent de confitures sucrées et bouillantes, d’immenses futs sont remplis de fruits trop mûres pour jouir bientôt de leur fermentation, de minuscules et précieuses graines sont enfermés dans de tout aussi petits sacs fait de toile pour fleurir les jardins et les rues des prochaines années.
Chaque récolte sauvage est une fête. Les corps en mouvement sont une danse, les outils un emblème, leurs techniques une architecture.

Un étonnant calendrier, tout à la fois almanach, jeu de tarot et horloge astronomique, est dessiné sur le sol de la place du théâtre, il sonne les travaux de l’année, annonce les floraisons et rythme les balades des glaneurs.

Pour ce qui est du rôle ou de la fonction dans le pays, deux choses m’intéressent particulièrement.

La question du passage d’un état à un autre, ici celui d’un pays réel à une organisation fictionnelle et imaginaire. Cela pose pour moi la question des récits et des gestes de transitions, de bascules, de soulèvements, de métamorphoses d’où émerge le pays.

La deuxième champ, découlant du premier, serait celui des corps dans ce pays, individuels et collectifs, en ce que cela induit les gestes, les rituels, les danses mais aussi pourquoi pas les pratiques vestimentaires. J’y vois là aussi l’occasion de traiter de la question du rapport aux sols et à leurs usages.

Ces deux champs de recherches m’intéressent doublement au regard de ce que nous traversons, la perte de mobilité, la fermeture des frontière, l’impossibilité de se toucher, de se parler près.

Que pourrais-je faire dans ce pays ?

Peut-être que j’aimerais y trouver sa fête. Sa fête populaire. Celle qui rassemble les uns et les autres au sein de ce pays. Ou celle qui a rassemblée. Ou celle qui rassemblera.

Passé, présent, futur… je ne sais pas encore. Tout est question de temps, de moyen.

Fêtes et rituels peuvent être très simples, comme ils peuvent être très complexes.

Si je viens travailler au sein de ce pays, c’est pour m’interroger sur ce qui nous rassemble ?

Pour ma part, parmi les zones d’activité potentielles, j’en vois deux, en particulier, qui m’intéressent à ce stade. Mais c’est évidemment sans compter sur tous les branchements qui vont pouvoir s’opérer entre nous.

Il y a le balisage et la description des chemins. J’y vois, par ailleurs, un potentiel radiophonique (radio-chemin), avec, pourquoi pas, un partenariat avec Radio Univers, basée à Cuguen, près de Combourg.

Et il y a la rédaction d’une « constitution » pour ce « Pays ».

J’aimerais approfondir la question de l’agriculture vivrière sur ce territoire et pouvoir inventorier ce qui est déjà produit sur le territoire et comment cela est valoriser aujourd’hui. Il s’agirait également d’inventorier les productions « manquantes » sur le territoire pour atteindre l’objectif d’une certaine autonomie alimentaire. Je pense qu’il vaut mieux rêver l’autonomie plutôt que l’autarcie sachant que des échanges avec l’extérieur du Pays peuvent être imaginés. De plus, j’aimerais approfondir l’histoire de Bécherel en tant que ville transformant du lin et du chanvre pour le textile. Dans quelle mesure cela pourrait-il retrouver un intérêt aujourd’hui, dans l’idée d’une relocalisation de la production de vêtements et de création de filières locales pour le textile. Autre axe de recherche intéressant, quels liens peut-on imaginer entre paysan.ne.s et habitant.es non paysans du Pays ? Les paysan.ne.s ne peuvent pas être seul.es à assumer les questions cruciales qui se posent aujourd’hui en termes de mise en place d’une agriculture respectueuse de l’environnement, instaurant une coopération avec les êtres vivants et nourrissant sainement les humains.

Une autre question qui m’intéresse dans ce projet est la forme de gouvernance du Pays. Je m’intéresse bcp à la gouvernance horizontale des collectifs. Il serait intéressant de travailler ensemble sur la manière dont les décisions seront prises dans le Pays et sur la manière dont la gestion des communs (semences, espaces naturels, eau, routes ou chemins, lieux publics…) s’effectue. Il serait intéressant d’imaginer une gouvernance égalitaire, collective et horizontale du pays de Bécherel. Peut-être pourrait-on s’inspirer du municipalisme libertaire de Murray Bookchin ?

La question de la monnaie ou des moyens d’échange entre les habitants de ce Pays m’intéresse également. Quelles conclusions peut-on tirer de l’existence de monnaies locales et sociales en France et dans le monde pour alimenter nos réflexions autour des moyens d’échange dans le Pays ?

Notre approche autour de la recherche participative me parait intéressante pour ce projet puisque nous posons sans cesse la question des modalités d’implication des citoyens dans les travaux de recherche et dans les associations avec lesquelles nous travaillons. De quelle manière pouvons-nous faire collectif, quels objectifs nous rassemblent et comment cultiver cette envie de faire ensemble sont des questions qui m’intéressent beaucoup.

Il pourrait être intéressant, comme Charline l’a souligné, de se pencher sur l’histoire vivrière du Pays de Bécherel, qui est notamment marqué par la culture et la transformation du lin et du chanvre. Il se trouve que ce sont des semences que l’équipe BCRP souhaiterait recultiver et/ou étudier ! Il devrait donc y avoir des choses à imaginer de ce côté là. C’est une entrée qui permet d’aborder beaucoup de sujets : histoire, culture, agriculture, échanges économiques et culturels avec les autres régions, lien au territoire et au terroir…